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Le feuilleton du reptile
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17 novembre 2008

Episode 3

Parabellum

 

 

La nuit est plus qu’avancée quand je parviens à la porte du fond du jardin. Une puanteur soufrée nimbe l’air ambiant. Redoutant le pire, je pousse le vieux panneau de bois vermoulu et pénètre dans ma propriété. Je me trouve alors face à un spectacle apocalyptique. Plusieurs des arbres de mon jardin paysagé ont été déracinés par des explosions. Mon barbecue jadis en dur est à présent en miettes. L’appentis et mon tracteur-tondeuse flambant neuf ont brûlé. Pas une pierre de chaque mur n’est exempte d’impact de balles. Tout à l’heure, sur la route, c’est à moi qu’ils en voulaient. Comme ils ne m’ont pas trouvé, ils se sont mis à ma recherche. Ils ont donc logiquement atterri chez moi. Candice ! Mon imagination déborde malgré mes efforts pour la contenir. Candice… J’ouvre la porte de derrière à la volée, et traverse prestement ma maison ravagée. Depuis les quatre ans que je suis propriétaire, j’ai transformé l’ancienne ferme et investi dans du mobilier design. Mes invités surprise me l’ont rectifié d’une manière très audacieuse, bien qu’un peu punk à mon goût. Impacts de balles obligent, mes casseroles sont des passoires, la table renversée a été littéralement déchirée (je crois reconnaître la signature du gros flingue tchèque), et, surtout, de monstrueuses taches de sang donnent une petite touche agressive à mon intérieur. Candice ! Ce n’est sûrement pas elle qui a défendu la maison avec autant d’acharnement, et surtout pas à la mitraillette. Courant dans la maison, je trouve chaque pièce saccagée. Arrivé dans la chambre, je dois me rendre à l’évidence. Candice n’est pas dans mes murs. Peut-être a-t-elle échappé au massacre. Désemparé, j’arpente la maison dévastée.

Soudain, un bruit provient du hall. Je m’y rue, et pousse violemment le battant de la porte. Il heurte de plein fouet la tête d’un homme qui part à la renverse, lâchant l’arme qu’il brandissait. Vif comme l’éclair, il se remet sur ses pieds et me saute au cou. En une manchette bien sentie sur son crâne rasé, je l’esquive. Il repart s’étaler plus loin. Tandis qu’il se relève en se massant l’occiput, je fonds sur l’arme. C’est un énorme revolver dont la patine luit d’un éclat noir. Je mets l’homme en joue, en hurlant des imprécations aussi désordonnées qu’inefficaces. Il se jette sur moi en me saisissant le poignet droit (qui tient l’arme) et me décoche un puissant crochet. Suivant l’élan que ma tête induit, je me retourne, me dégage de sa poigne d’un coup de poing dans son avant-bras, lui envoie mon coude droit dans l’orbite gauche et le remets en joue tandis qu’il retourne embrasser mon carrelage, le marquant d’une énième tache de sang. Je n’hésite pas cette fois-ci. A mon grand étonnement, mon bras absorbe facilement le recul du monstrueux flingue, qui crache une série d’immenses gerbes de feu dans un fracas assourdissant tandis que je lui vide le barillet dans le corps. Les yeux ronds, je jette un coup d’œil à l’engin de mort. Smith & Wesson modèle 29, chambré .44 magnum. Je crois me souvenir que c’est le calibre de l’inspecteur Harry. A ce tarif-là, le guignol que j’ai allumé ne doit pas en mener large. A travers la fumée qui se dissipe, je constate que c’est encore pire que ce que j’aurais pu imaginer. Ce n’est même plus un cadavre que j’ai en face, mais une charpie. Mon hall est définitivement irrécupérable. S’ils ont tous employé ce genre d’arme dans ma maison, je comprends mieux qu’elle soit à ce point repeinte. Pris d’un haut-le-coeur, je me retourne, laissant échapper le .44. N’ayant rien à vomir, traversé de violents spasmes, je déverse un peu de bile tandis que l’odeur de poudre m’est de plus en plus insupportable. Je me reprends rapidement en entendant deux ou trois véhicules pénétrer dans ma cour. Encore une bande de salopards motorisés armés jusqu’aux dents ? Maîtrisant ma répulsion, je fouille le tas de chair qui souille mon salon dans l’espoir de trouver d’autres munitions pour le gros revolver. Je trouve trois cylindres de chargement rapide dans son pantalon, en plus de celui qui a été projeté à deux mètres de la charogne sanglante. J’en ouvre un, et constate que le salopard que je viens de refroidir utilisait des balles à tête creuse. Décidément, c’est quoi ces mecs ?! Je n’ignore pas que ce type de munition n’est pas fait pour percer, mais pour ravager les tissus. Je frissonne en m’imaginant à la place du type qui s’est pris six de ces sales trucs. Je suis en train de déverser les balles dans leurs chambres quand la porte d’entrée s’ouvre à la volée derrière moi. Je rabats prestement le barillet et me retourne dans le même mouvement, pour me trouver face à quatre gendarmes horrifiés, tous calibres dehors. Ils se mettent tous quatre à me hurler de lâcher mon arme, l’attention détournée par le tas de viande qui traîne derrière moi. Déjà dégoûté du précédent massacre, j’obtempère. Ils se ruent alors sur moi, me plaquent au sol et me menottent dans une débauche de mouvements désordonnés. Au bord de la panique, ils se rassérènent un peu en me voyant ainsi neutralisé. L’un d’eux se retourne sur mon œuvre ensanglantée, et court aussitôt au dehors. Deux des trois pandores restés à l’intérieur me relèvent tandis que le dernier ramasse précautionneusement l’arme du crime. Encadré de près, je traverse la cour vers un des fourgons bleu marine stationnés près du porche. A ma droite, le tendron arrose mes massifs avec son petit-déjeuner. Le soleil commence à se lever quand le fourgon démarre. Je savoure l’explosion de couleurs changeantes que me montrent les nuages. Bizarrement, je commence enfin à être serein. Je ne comprends ni n’intègre toujours pas les événements des douze dernières heures, mais je me sens étonnamment calme, peut-être par contraste avec l’excitation frénétique et véhémente des deux militaires à l’avant de la camionnette. M’ignorant totalement, ils commentent fiévreusement ce qu’ils ont vu, probablement pour la première fois de leur carrière.

serieZep03ptit

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Commentaires
J
Merci de vos encouragements, les gens. Pas de problème pour l'inspiration, Tyef, comme y'a pas d'enjeu, j'ai pas de raison d'arrêter. Je découvre cependant que le suspense donne un pouvoir sur les gens. C'est délicieux.<br /> <br /> Cher ami saurien, le seul dont le coeur charrie un sang aussi froid que moi, seul commentateur dont j'ignore l'identité, merci de vos propos laudatifs (même si un cynisme de fond de rade est davantage de mise quand on brigue le titre de reptile patenté). Je vous rassure par ailleurs, je n'ai pas puisé pour mon héros l'inspiration dans des séries de bas (ou même de haut) étage, mais plutôt dans d'immondes films ignominieusement nuls et américons que la télé dédaignerait, dont les producteurs nous ont garanti la surabondance malgré un mouvement social inédit parmi les scénaristes de ce joyeux pays aux moeurs syndicalistes, comme chacun sait. Oui, le héros risque fort de ramasser. Non, rien à voir avec "parabellum". Et oui, les ficelles (les cordages ?) de mon récit semblent passablement américaines quand je les regarde, surtout celles concernant le susspensssse. Je suis en effet assidu lecteur de Robyn Hobb et regardeur de Prison Break (et aussi de Futurama, mais je me demande pourquoi je le cite au vu de la totale ineptie du présent propos). Je loue au passage le bon aloi du suspense distillé dans chacun de ces contenus télévisuels ou lecturationnistes.<br /> <br /> Dernière chose, concernant les illustrations. Si de généreux contributeurs sentent l'inspiration brute affluer dans leur cerveau prolixe à la lecture de mes guignolades perverses, qu'il se manifeste, ma plume ne sied point à ce que débite ma plume, si vous me suivez.<br /> <br /> Sur ce, bande de lecteurs, à lundi.
W
Clin d'œil au groupe punk?
W
Ce type est l'alter-ego de Jack Bauer, j'ai le sentiment qu'il n'a pas fini de "bouffer". chouette rythmique, j'ai pas descotché. bon, "vivement lundi"!!
Le feuilleton du reptile
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